SECONDE MOITIÉ DU XVII° SIÈCLE                   367
vais prenait le titre de Manufacture royale de tapisserie. Nous pas­sons sous silence les articles et privilèges de moindre importance.
En échange de ces avantages, Einard avait pris, sans doute assez témérairement, l'engagement d'entretenir cent ouvriers dès la pre­mière année, et d'augmenter son personnel d'un nombre égal tous les ans, jusqu'à ce que Ia manufacture comptât six cents tapissiers.
Une des clauses du contrat assurait à l'entrepreneur une prime de 20 livres pour chaque ouvrier qu'il ferait venir de l'étranger. Enfin une pension annuelle de 30 livres était allouée pour la dé­pense de chaque apprenti formé dans la maison, sous la condition que l'entrepreneur entretiendrait toujours cinquante apprentis au moins; l'apprentissage devait durer six années.
Hinart ne possédait ni l'activité ni les ressources nécessaires pour mener une aussi lourde entreprise. Au lieu de s'employer tout entier à la prospérité de la nouvelle manufacture, il continuait à s'occuper d'un atelier de douze métiers qu'il possédait à Paris, dans la rue des Bons-Enfants. En vain Colbert le pressait-il de satisfaire à ses engagements. En huit ans, Hinart avait reçu plus de 200,000 livres, dont la majeure partie était payée à titre d'a­vances, de primes pour les ouvriers venus de l'étranger, ou de - pensions pour l'entretien des apprentis.
Les tentures livrées au roi figurent dans cette somme pour 73,000 livres environ. Elles étaient au nombre de vingt-huit et représentaient, autant qu'on peut le savoir par les comptes, des verdures peuplées -d'animaux et de petites figures. Ce genre resta l'apanage à peu près exclusif de la manufacture de Beauvais. Un article des dépenses de 1669 nous apprend qu'elle comptait alors cent deux apprentis. Il y a loin de ce chiffre aux cinq à six cents élèves imposés à l'entrepreneur par les lettres patentes de 1664.
Après une expérience de vingt années, la manufacture péri­clitait, et il fallut aviser. Cette fois, le roi eut la main heureuse. Louis Hinart fut remplacé par un tapissier nommé Philippe Behagle, appartenant à une famille distinguée d'Audenarde, qui possédait des armoiries avec cette devise : Bon guet chasse mala­venture. Behagle ou Behagel, pour conserver au nom sa forme fla­mande, était fixé à Paris depuis quelque temps déjà. Il avait épousé, à Sain t - Hippolyte, la paroisse des tapissiers, une demoiselle van Heuven, qui lut donna un fils. Celui-ci, nommé Jean-Baptiste, suivit la carrière paternelle. Un descendant du directeur de Beauvais